Université Saint-Louis - Bruxelles
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DROI1122 - Philosophie



Crédits ECTS : 8

Professeur :
Assistant :
Mode d'enseignement :
Présentiel, premier et deuxième quadrimestre, 90 heures de théorie.

Horaire :
Langues d'enseignement :
Français.

Objectifs d'apprentissage :
Développer le sens critique et la capacité de réflexion des étudiants en les introduisant aux diverses formes de discursivité philosophique et notamment à l'argumentation. Eveiller leur curiosité pour la multiplicité et la complexité des formes de pensée et des questionnements qui jalonnent l'histoire de la philosophie.


Prérequis et corequis / Modules de cours optionnels recommandés :
Comme il s'agit d'un cours introductif, aucun prérequis particulier n'est exigé. Ses seuls présupposés sont ceux du travail universitaire : une aptitude au travail critique et une certaine capacité de distanciation et d'interrogation par rapport à la formation entreprise.


Contenu de l'activité :
Le cours se subdivise en 6 grandes parties :
Au premier quadrimestre, nous commencerons par nous poser la question socratique du « ti esti » (I) : qu'est-ce donc que cette philosophie d'apparence si rébarbative, et au discours incompréhensible ? Nous verrons en quoi toute interrogation philosophique s'ancre en réalité dans un questionnement profond de notre être au monde, qui peut passer par toutes les nuances, depuis l'étonnement, l'émerveillement, le bouleversement, et jusqu'à la terreur, toutes ces connotations étant comprises dans le fameux « thaumazein » d'Aristote, trop souvent réduit au seul « étonnement ». Nous nous intéresserons aux causes qui peuvent susciter un tel bouleversement  et inciter l'être humain à commencer à philosopher : l'observation du mouvement des astres mais aussi la terreur face à l'illimité pour Aristote, le vertige théorique des problèmes mathématiques dans le Théétète de Platon, le malaise induit par le constat que tous les enseignements des professeurs se contredisent et qu'aucun ne parvient donc à la vérité dans le Discours de la Méthode de Descartes, la prise de conscience de sa propre mortalité au travers de l'angoisse dans Etre et temps de Heidegger, etc. Nous examinerons ensuite les différentes méthodes mises en place par les philosophes à partir de ce bouleversement originaire pour parvenir à le maîtriser : état de la question pour transformer l'incompréhensible en aporie susceptible de trouver une solution à travers la mise en œuvre d'une argumentation chez Aristote, découpage analytique puis recomposition synthétique des problèmes chez Descartes, etc. Enfin, nous verrons comment les philosophes se sont ingéniés à reproduire « artificiellement » des ersatz maîtrisés de ce thaumazein originaire : expérimentation-fiction du sujet regardant du haut de sa fenêtre des passants…qui sont supposés être des automates chez Descartes, afin de montrer que ce que nous prenons pour une « perception » est en réalité un « jugement » ; expérience de pensée des cerveaux dans une cuve d'Hilary Putnam, pour montrer que les états mentaux et les états cérébraux ne sont pas identiques, etc. De 1001 manières, les philosophes se sont ingéniés à mettre en question les « évidences » partagées par tous les autres hommes dans la vie quotidienne, que cela soit pour les réfuter ou au contraire pour les fonder en les rendant « conscientes d'elles-mêmes ».

La seconde partie du cours abordera la question de l'origine grecque de la philosophie occidentale (II). Nous suivrons ici deux perspectives, que nous aborderons séparément, puis nous tenterons de les réunifier : celle qui lie cette origine à un questionnement sur l'Etre, et celle qui la pense dans un rapport ambivalent d'opposition et de réélaboration du mythe et de la poésie. Dans la première perspective, nous étudierons la manière dont les Présocratiques ont pensé l'être par le biais de la question de l'arkhè, origine et fondement du cosmos. Chez Platon, nous aborderons les relations complexes de l'Etre et du non-Etre, ainsi que le statut de l'Etre véritable qu'est une « Idée ». Enfin, Aristote nous permettra d'aborder l'être d'après la polysémie selon laquelle il le conçoit : comme être par soi, être par accident, être en puissance, être en acte, etc. Dans la seconde perspective, nous commencerons par étudier les textes poétiques qui constituent les références de base de toute la culture grecque : l'Iliade et l'Odyssée d'Homère, ainsi que la Théogonie et les Travaux et les Jours d'Hésiode. Si le Socrate de la République appelle Homère « l'éducateur de toute la Grèce » et combat si vigoureusement la représentation des dieux et des héros de l'épopée, c'est parce qu'Homère fournit à l'ensemble du monde grec, au moins jusqu'au Vème siècle, le cadre de ses valeurs et sa représentation de ce qui fait l'essence de l'humain, du cosmos, des dieux, de la justice et du monde commun. Nous étudierons aussi l'importance de la tragédie pour l'autoinstitution de la cité démocratique athénienne, et afin de comprendre l'ampleur de la critique que lui adressera Platon (rappelons l'affirmation au premier abord incroyable selon laquelle c'est l'exclusion des poètes tragiques et comiques qui justifie que la cité idéale de la République soit la « meilleure possible »). Nous nous concentrerons sur le « cas » de l'Antigone de Sophocle, en nous demandant pourquoi cette tragédie n'a pas cessé d'interpeller les philosophes, depuis Hegel, Hölderlin, jusqu'à Heidegger ou encore Paul Ricoeur. Nous nous interrogerons pour terminer sur le statut de l'usage du mythe et de la poésie chez les philosophes pour formuler la question de l'être, notamment en étudiant le Poème de Parménide, et la « théâtralité » inhérente aux dialogues platoniciens, ainsi que les mythes philosophiques qu'ils contiennent.

Enfin, dans la troisième partie du cours, nous étudierons la relation qui lie depuis ses origines la philosophie au politique entendu au sens général de « recherche du bien vivre ensemble » (III). Nous verrons en quoi les philosophes dits « présocratiques » associaient un questionnement cosmologique à un questionnement politique. Nous étudierons le fonctionnement spécifique de la cité démocratique athénienne et ses institutions, afin de comprendre en quoi la pensée du sophiste Protagoras en constitue la théorie. Cet ancrage « athénien » nous permettra de comprendre la philosophie politique de Platon, et notamment sa critique récurrente de la démocratie. A partir du dialogue du Politique, nous nous intéresserons aussi à ce qui constitue la première critique de l'universalisme abstrait de la loi, et aux « solutions » que Platon nous propose pour en sortir. En prenant acte de la particularité grecque selon laquelle la fondation d'une colonie s'accompagnait nécessairement de la création d'une nouvelle constitution (on n'importait donc pas les lois de la cité d'origine), et que cette dernière pouvait être confiée à un seul homme (Protagoras aurait ainsi rédigé la constitution de la colonie de Thourioi), nous aborderons la question de l'inventivité législative dans les Lois, dernier dialogue de Platon. Chez Aristote, nous partirons de la fameuse définition de l'humain comme « vivant qui possède le logos et est politique », pour nous demander si Aristote refuse le statut d'humain à tous les hommes vivant dans des formes de sociétés non politiques (entendez : qui ne vivent pas dans des cités, donc, qui ne sont pas Grecs). Nous nous intéresserons à la définition du citoyen et de la communauté politique qu'il propose pour tenter de résoudre cette troublante question… et nous découvrirons ainsi une autre question en chemin : si seule la vie du citoyen est la vie authentiquement humaine pour Aristote, la vie du philosophe est considérée comme « presque plus humaine » et quasi-divine. Que faut-il donc entendre par là ? Au XXème siècle, nous explorerons les points-limites du lien entre philosophie et politique, en étudiant dans un premier temps l'aporie à laquelle les philosophes ont été confrontés suite à la Shoah, l'extermination systématique et organisée de 5 à 6 millions de personnes, uniquement parce qu'elles étaient juives sous le nazisme. Pour certains philosophes, cet événement marque la faillite totale de la raison occidentale, après lequel « il ne serait plus possible de philosopher ». Pour d'autres, il s'agit au contraire pour la philosophie de s'atteler à une autocritique de la rationalité qui en montre la violence intrinsèque, mais aussi la possibilité de maîtriser et de canaliser cette violence. Nous aborderons la question de l'engagement nazi de Heidegger en relation à sa philosophie fondamentale, afin de voir s'il convient ou non de séparer le « petit homme » du « grand philosophe ». Nous étudierons ensuite les analyses que Hannah Arendt a consacrées au totalitarisme en général et plus particulièrement au nazisme, ainsi que son reportage sur le procès Eichmann pour un grand journal de l'époque. Dans un second temps, nous aborderons le point limite du lien entre philosophie et politique sur son versant positif, là où, pour le dire avec Cornélius Castoriadis, la politique devient « une pensée politique en acte ». Nous bouclerons ainsi notre périple en revenant dans l'Athènes du Vème siècle av. J.C., qui a constitué selon Castoriadis une telle forme de « pensée politique en acte », qu'il appelle une société « autonome » (qui se donne à elle-même ses propres lois), par opposition aux sociétés « hétéronomes ». Nous envisagerons la Commission « Vérité et réconciliation » qui a suivi la fin de l'Apartheid en Afrique du Sud, comme un exemple d'inventivité politique « autonome » au sens où Castoriadis la définit.

Au second quadrimestre, nous étudierons les modulations du rapport entre philosophie et science au cours des siècles, depuis les Grecs (IV). Nous examinerons par exemple comment Platon s'affronte dans ses dialogues au « scandale » de la découverte des nombres irrationnels, et parvient par ailleurs à intégrer une découverte majeure de son temps, la construction des polyèdres réguliers, dans un questionnement politique, via la construction d'un mythe cosmologique dans le Timée. Chez les Modernes, nous nous intéresserons à l'importance du paradigme logico-déductif de la démonstration dans l'œuvre de Descartes, depuis les « Règles pour la direction de l'Esprit » jusqu'aux « Méditations Métaphysiques ». Nous chercherons aussi à comprendre la fascination de Pascal pour le Vide, depuis ses expérimentations sur le vide physique, jusqu'à sa réflexion métaphysique sur le « néant » de l'humain. Au XIXème siècle, Nous verrons comment la science est « démasquée » par Nietzsche comme étant une grande mythologie, et toute prétention à l'objectivité une illusion. Au XXème siècle, nous étudierons la réduction de la science à la technique à laquelle se livre Heidegger, en faisant de « l'arraisonnement » de l'être dans la technique le point d'aboutissement de toute la métaphysique occidentale. Nous nous intéresserons aussi aux ontologies du chaos développées par une série de penseurs: Isabelle Stengers et Ilya Prigogine, à partir d'une étude des structures dissipatives en chimie, Cornélius Castoriadis à partir de l'étude de la logique des magmas. Nous nous intéresserons aussi à l'ontologie mathématique développée par Alain Badiou, qui se base sur le théorème de Cantor.

La cinquième partie du cours abordera la question du rapport entre philosophie et transcendance (V). Notre fil conducteur consistera à observer les oscillations du statut du divin, entre une conception logique et une conception mystique. Seront par exemple évoqués le dieu comme « maximum du pensable » chez Aristote, le divin étant conçu comme le premier moteur immobile qui permet d'expliquer le monde en devenir dans la Physique, et comme « pensée de la pensée » ou « acte pur » dans la Métaphysique, à la différence de l'humain, toujours en chemin depuis la potentialité de la connaissance vers son actualisation. Nous nous intéresserons au Moyen-Age aux différents « mélanges » provoqués par la rencontre du christianisme et de la philosophie grecque : ainsi, nous aborderons le néoplatonisme chrétien dans le récit de sa conversion dans les Confessions de Saint-Augustin, ou encore l'aristotélisme chrétien de Thomas d'Aquin, qui chercha à concilier la foi et la raison. Nous nous intéresserons aussi à la philosophie arabe, en nous donnant quelques jalons pour comprendre l'Islam d'aujourd'hui, et notamment l'influence du néoplatonisme dans la formation du courant shî'ite. Nous examinerons aussi la religion naturelle telle que Rousseau la décrit dans la célèbre « profession de foi du Vicaire Savoyard » de l'Emile. Nous verrons en quoi la croyance en l'existence de Dieu est pour Kant une Idée de la Raison, indémontrable, mais ancrée dans une « pulsion » consubstantielle à l'humain. Enfin, nous analyserons chez Nietzsche les conséquences de « la mort de Dieu », et l'ambivalence du nihilisme qui en découle.

En guise de conclusion, la sixième partie du cours (VI) sera consacrée à l'amour, qui constitue l'une des quatre conditions de possibilité de la philosophie selon Alain Badiou. Nous aborderons notamment l'étude de l'Erôs comme démon philosophe dans le Banquet, et l'identification entre le devenir amoureux et le devenir philosophe dans le Phèdre. Au XXème siècle, nous partirons du « Deux » de l'Amour selon Alain Badiou, comme ce qui permet de construire une possibilité d'échapper à l'alternative du « terrorisme » de l'Un ou de la dispersion dans le Multiple. Nous passerons ensuite à l'étude de l'épiphanie du visage et du mystère de l'altérité radicale du féminin chez Emmanuel Lévinas, pour parvenir à la définition donnée par Hannah Arendt : « l'amour est un événement à partir duquel une histoire ou un destin peut advenir ».


Activités d'apprentissages prévues et méthodes d'enseignement :
Le cours à proprement parler sera ex cathedra et donné en grand amphithéâtre. Des moments de discussion avec l'auditoire seront prévus après chaque grande partie du cours.
Pour des discussions plus personnalisées, une permanence d'une heure/semaine sera assurée par la professeure responsable dès la rentrée académique, le jeudi de 11h à 12h, après le cours. Par ailleurs, une aide est proposée dans les séances hebdomadaires de monitorat (voyez monitorat de philosophie)



Méthodes d'évaluation :
L'évaluation s'appuiera sur un examen écrit. Les questions porteront sur la compréhension des grandes articulations du cours et des textes philosophiques qui en constituent le fondement. Une lecture approfondie et personnelle des textes philosophiques étudiés au cours est donc nécessaire. En fin d'année, l'examen écrit s'accompagnera d'un travail personnel sur l'une des problématiques du cours, à partir de la lecture d'au moins une œuvre philosophique dans son entièreté (la liste sera distribuée au cours, au début du second quadrimestre).


Bibliographie :
Pour chaque partie du cours, une bibliographie sélective sera mentionnée.


Autres informations :
Un plan détaillé du cours pour toute l'année sera distribué au premier cours. Les extraits de textes philosophiques analysés et des notes de cours seront progressivement disponibles via le service I-FUSL.


Années d'études :