Université Saint-Louis - Bruxelles
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Quand une philosophe, féministe et passionnée par la forêt, s’intéresse aux scolytes, ces petits coléoptères qui déciment nos épicéas

[Recherche]

 

Interdisciplinarité féconde entre philosophie, biologie et zoologie.

 

Nathalie Grandjean, docteure en philosophie (UNamur, 2018), bénéficie d’un mandat FNRS de chargée de recherche (post-doctorat d’une durée de 3 ans) au Cesir, le Centre de recherche et d’intervention sociologiques de notre université.

Sous la direction de la professeure Benedikte Zitouni (par ailleurs directrice du Cesir), elle travaille sur un projet de recherche qui résume bien les questions contemporaines qui la préoccupent, Les corps politiques de l’Anthropocène : repenser l’encorporation, la subjectivation et les temporalités à partir des écrits féministes.

 

Nathalie Grandjean situe sa réflexion en interdisciplinarité entre la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, la technologie et l’écoféminisme.

 

Déconstruction écoféministe du concept d’Anthropocène

Face au récent concept d’Anthropocène qui est proposé pour désigner cette nouvelle époque géologique qui aurait débuté quand l'influence de l'être humain sur la géologie et les écosystèmes est devenue significative à l'échelle de l'histoire de la Terre, les écoféministes adoptent une lecture critique. Elles déconstruisent avec une lunette genrée cette posture historique occidentale où les humains sont centraux, actifs, tandis que la nature est pensée comme passive, toujours disponible à la possession ou à l’exploitation.

 

La forêt, un lieu pas si naturel que cela

La forêt en Occident est objet de multiples désirs, ce qui permet de comprendre pourquoi on se sent légitime d’en faire un objet de possession et un espace pouvant être « privatisé » (chasseurs, bûcherons, naturalistes, etc.). Les écoféministes suggèrent que d’autres récits pour les forêts sont possibles que ceux d’un réservoir de ressources à exploiter (il y a beaucoup d’enjeux économiques dans un marché globalisé autour de la forêt) ou de lieux dont on peut jouir de manière intime (« bains de forêt » pour initiés).

Loin d’une idée communément partagée, les forêts en Occident sont en réalité des lieux extrêmement plantés et cultivés, elles sont « gérées ». Elles ont en cela des lieux pertinents pour essayer de comprendre autrement notre rapport à l’État.

 

Les scolytes, un phénomène aussi philosophique

La récente infestation de scolytes, ces petits coléoptères qui ont de tout temps existé, raconte d’abord le stress des épicéas, dû aux fortes sécheresses et aux chablis. Mais elle raconte aussi la crise d’un modèle, celui de la monoculture et de l’agriculture intensive en foresterie, tout comme le questionnement de nos relations aux temporalités, celles de l’immédiateté et du présentisme (les sujets infestés ont dû être abattus sans délai dans ce momentum de crise), et cela à l’échelle européenne et globale.

 

Quand la philosophie écoféministe contribue à décoder le monde à travers le prisme de la forêt, et à envisager l’avenir avec un point de vue original et inédit, battant salutairement en brèche nos représentations historiques sur ce qu’est la nature.  

 

FG

Link@lumni n°38 - Automne 2022

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