Université Saint-Louis - Bruxelles
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Rentrée académique 2018-2019
Allocution du Recteur Pierre Jadoul


Publié le 26 septembre 2018


Le 25 septembre a eu lieu la rentrée académique de l'Université Saint-Louis - Bruxelles. A cette occasion, les insignes de docteur honoris causa ont été remis à la professeure Bea Cantillon. La cérémonie a été ouverte par le Recteur Pierre Jadoul, qui a prononcé sa traditionnelle allocution de rentrée. Vous la trouverez dans son intégralité ci-dessous.

 

Mesdames et Messieurs, en vos titres et qualités,
Cher.e.s Collègues,

Cher.e.s Anciennes et Anciens,
Cher.e.s Etudiantes et Etudiants,

Je vous remercie pour votre présence ce soir et vous souhaite, au nom de l’ensemble de notre communauté universitaire, la bienvenue à l’occasion de cette séance de rentrée académique « officielle » de l’Université Saint-Louis qui, pour la première fois, se déroule dans ce nouvel auditoire, lui-même hébergé dans un nouveau bâtiment de notre université.

Votre présence constitue un merveilleux encouragement pour tous les acteurs qui, au fil de l’année académique, se dévouent sans compter dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et du service à la société.

D’emblée, je souhaite mettre l’accent sur une modification qui ne peut être réduite à un détail relevant d’un quelconque marketing : je veux bien entendu parler de l’identité visuelle de notre université. Au mois de février dernier, tant l’assemblée générale de l’Université Saint-Louis que le Conseil d’administration de l’UCL décidaient en effet, dans le cadre du processus de fusion sur lequel j’aurai l’occasion de revenir ce soir, « d’adopter dès septembre 2018 une identité visuelle commune aux deux partenaires qui symbolisera à la fois la coopération structurée qui sera ainsi mise en place et la finalité que celle-ci poursuit ».

Ce nouveau logo UCLouvain - Saint-Louis – Bruxelles vient donc concrétiser notre partenariat renforcé avec l’Université catholique de Louvain qui a, elle, opté, à partir de la même échéance de septembre 2018, pour la dénomination UCLouvain. Vous l’observez : notre nouveau logo comprend une référence explicite au rouge de l’Université Saint-Louis. C’est désormais sous ce visuel que notre université se présentera et se fera connaître auprès des étudiants et de la société.

Tout un symbole, mais pas seulement !

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Je ne vais évoquer ce soir ni les départs, ni les arrivées de nouveaux membres dans le personnel de l’Université. Il ne faut y voir ni un manque de reconnaissance de notre Université à l’égard des collègues qui nous ont quitté, ni un geste discourtois à l’égard de celles et ceux qui nous rejoignent.

Qu’il me soit simplement permis de réitérer solennellement et avec force, toute la gratitude de l’Université Saint-Louis pour le travail accompli dans la perspective de l’accomplissement des missions de l’université par celles et ceux qui nous quittent.

Je voudrais également profiter de cette soirée pour réitérer publiquement les souhaits de bienvenue déjà formulés aux nouveaux collègues qui nous font le plaisir et l’honneur de rejoindre les rangs de l’Université Saint-Louis – Bruxelles. Qu’ils soient assurés de la totale disponibilité de tous les services de l’institution qu’ils rejoignent, services dont les qualités d’amabilité, de compétence et d’efficacité ne sont plus à démontrer.

Je souhaite enfin remercier celle et ceux qui ont accepté de rester ou de monter avec moi dans le navire du rectorat : Bertrand Hamaide (Vice-recteur aux relations internationales), Hugues Dumont (Vice-recteur à la recherche), Catherine Delforge (Vice-rectrice à la qualité) et Sébastien Van Drooghenbroeck (Vice-recteur à l’enseignement). Leur engagement et leur travail intensif à mes côtés constituent un soutien inestimable.

Je veux par ailleurs associer à ces remerciements Anne-Michèle Lepers, qui assume avec humanité et diplomatie la fonction nouvellement créée de directrice administrative, et Catherine Demain, dont la disponibilité n’a d’égale que la compétence exceptionnelle.

Sans vous toutes et tous, le pilotage de notre université relèverait du défi insurmontable.

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En 1999, notre Ecole des sciences philosophiques et religieuses présidée par Anne-Marie Dillens avait consacré une journée entière de réflexion au thème de « l’université dans la tourmente ». Elle avait invité à cette occasion non seulement d’éminents conférenciers comme les professeurs Jean Ladrière de l’UCL et Guy Haarscher de l’ULB, mais aussi la Ministre en charge, à l’époque, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Madame Françoise Dupuis, ainsi que plusieurs recteurs. Les débats avaient surtout porté sur la nécessité pour l’Université de résister à une tendance lourde à l’époque : celle consistant à l’instrumentaliser pour la mettre au service des « seules valeurs de l’utilité, de la rentabilité, de l’efficacité, de la performance et de la compétitivité ».

Les conclusions qui avaient été tirées par notre Recteur Michel van de Kerchove mettaient l’accent sur la nécessité d’inventer des voies médianes entre une position de repli de l’université sur une conception purement idéaliste de ses missions et ce qu’il dénommait une « soumission moutonnière aux injonctions de la société ». Anne-Marie Dillens résumait parfaitement le défi à relever en citant Jean Ladrière : « certes, l’université est une des institutions de la raison instrumentale. Mais elle est aussi et surtout un lieu où ces institutions sont mises en question. Dans ce questionnement, l’université doit « s’interroger sur elle-même, sur sa spécificité. Par delà les missions de transmission-gestion des savoirs et de recherche, cette spécificité se définit essentiellement par un souci de justification, une vision du long terme, une interrogation toujours renouvelée ».

En 2009, Amin Maalouf dressait le constat du « dérèglement du monde », et détaillait l’ampleur du désastre :

- dérèglement éthique, résultant de l’incapacité du monde occidental à collaborer à la construction d’une conscience morale partagée et crédible, essentiellement en raison de son attitude dominatrice, voire hégémonique ;

- dérèglement idéologique, concrétisé par un déchaînement des affirmations identitaires qui rend difficile toute coexistence harmonieuse et tout véritable débat, mais aussi qui mine la stabilité du monde ;

- dérèglement économique et financier qui entraîne la planète dans une zone de turbulences aux conséquences imprévisibles et qui confirme, si besoin en était, une perturbation manifeste de notre système de valeurs ;

- dérèglement climatique qui résulte d’une pratique bien trop longue de l’irresponsabilité ;

Amin Malouf ne se contentait pas de poser un diagnostic inquiétant. Il laissait entrevoir une lueur d’espoir : la période tumultueuse qui s’annonçait pourrait nous amener à élaborer une vision adulte de nos appartenances, de nos croyances, de nos différences et du destin de la planète.


Ces questionnements n’ont malheureusement rien perdu de leur actualité. Mais comment ne pas admettre que le contexte dans lequel nous sommes plongés n’a malheureusement pas évolué de manière positive ?

Personne ne peut nier que les rentrées académiques des universités de notre pays et de notre Communauté française s’inscrivent dans un contexte international et européen exceptionnellement préoccupant. Les messages d’alerte sur le climat et la dégradation de la biodiversité se font de plus en plus désespérants. Les courants politiques les plus rétrogrades et les plus dangereux pour les idéaux du cosmopolitisme, de l’Etat de droit, de la démocratie, des droits de l’homme et de la solidarité remontent en force et s’incarnent dans des personnalités médiatiques qui réussissent à trouver une audience en expansion. L’Union européenne a toujours dû faire face à des divisions internes, mais celles-ci acquièrent aujourd’hui une profondeur et une acuïté sans précédent, allant jusqu’à menacer la pérennité du projet européen et les valeurs auquel il est associé. L’écart entre les couches les plus riches et les plus pauvres de la population se creuse.

Face à ces défis, les universités doivent plus que jamais réaffirmer les valeurs et les idéaux qui leur sont propres, aux antipodes des courants rétrogrades et liberticides que je viens d’évoquer. Autrement dit, il ne suffit plus aujourd’hui d’inventer une voie médiane entre les conceptions purement idéalistes et les conceptions utilitaristes de l’université. Celle-ci doit offrir, de manière sans doute plus engagée, mais avec les seules ressources des grammaires de l’intelligence dont Jean-Marc Ferry nous parlait l’an dernier, un lieu de résistance intellectuellement puissant aux injonctions que sont tentés d’adresser à l’université certains milieux politiques, sociaux et idéologiques dans un nombre croissant d’Etats membres de l’Union européenne. L’idée défendue par le président Macron d’une université européenne a tout son sens à cet égard.

Chaque université, chacune dans les limites qui sont les siennes, et nous connaissons bien les nôtres, doit assumer ses responsabilités dans cette perspective. Permettez-moi de considérer que Saint-Louis répond présent en ce que nos forces vives ont parfaitement conscience des attentes que je viens d’évoquer et ne ménagent pas ses efforts : la simple consultation de l’agenda de notre Institut d’études européennes, de notre Institut de recherche interdisciplinaire sur Bruxelles et de nos 18 centres de recherche en sciences humaines et sociales démontre combien nous avons à cœur de mener la réflexion à propos des thèmes les plus cruciaux de notre temps : de la gouvernance climatique à la crise migratoire, en passant par l’économie collaborative, la reconsidération de l’utopie en philosophie politique, les facettes de l’islam contemporain ou encore le droit en transition dans une société de l’après-croissance. La conférence que nous proposera notre collègue Bea Cantillon s’inscrira d’ailleurs parfaitement dans cette perspective et je l’en remercie déjà.

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Dans les jours qui ont précédé à l’ULB, à l’UCLouvain, à l’ULiège et demain dans les autres universités, le même texte a été ou sera lu à l’occasion des différentes rentrées académiques. Les six recteurs des universités belges francophones ont procédé ensemble à une lecture critique du rapport du collège d’experts extérieurs établi il y a près d’un an à la demande du Conseil d’administration de l’ARES. Ils en ont apprécié l’analyse qui observe le définancement général de l’enseignement supérieur. Ce définancement a été particulièrement important pour les universités. Sur les quinze dernières années, la baisse du financement par étudiant a été de près de 20%. Cette diminution rend l’exercice des missions de base des universités de plus en plus difficile, à un moment où la concurrence internationale est toujours plus forte.

Nos six universités sont une source majeure de développement pour leur environnement. A l’occasion de cette rentrée académique et à la veille d’une nouvelle législature, les recteurs des six universités belges francophones ont convenu de partager avec vous une demande de refinancement ambitieux et prioritaire indispensable pour leur permettre de remplir leurs missions essentielles dans le futur.

Dans la foulée, je dois regretter, sans doute comme mes collègues recteurs, l’insuffisance persistante des moyens alloués au FNRS (qui fête cette année son 90ème anniversaire) pour soutenir les meilleurs projets introduits par les candidats aux fonctions d’aspirant, de chargé de recherche et de chercheur permanent.

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En mai 2017, l’assemblée générale de l’Université Saint-Louis et le conseil d’administration de l’UCL ont voté massivement (à 90%) en faveur d’une proposition détaillée de fusion des deux universités. Cette proposition a été soutenue par les représentants des étudiants, des professeurs, chercheurs et membres du personnel administratif et technique. Le projet de fusion s’est construit à la fois au sein d’un comité de pilotage paritaire qui s’est chargé essentiellement des aspects institutionnels et organisationnels de la fusion et au sein du groupe « 2 x 4 » qui a permis la rencontre des représentants des deux communautés universitaires et l’élaboration par ceux-ci de projets communs. Pour une mise en œuvre juridiquement sécurisée de la fusion, une adaptation du décret paysage a été sollicitée depuis … le 19 mai 2017.

En mars 2018, l’assemblée générale de l’Université Saint-Louis et le Conseil d’administration de l’UCL, constatant que le politique renâclait  à réserver suite à la demande formulée à son égard, ont décidé d’avancer dans le processus de fusion, de le poursuivre et de mettre en œuvre toutes les initiatives de rapprochement ne nécessitant pas une modification du décret. Ces initiatives incluent des projets académiques communs, des développements informatiques, des partages d’expertises, des recrutements conjoints, ainsi que des présences croisées dans les organes de décision et, je le rappelle, la définition d’une identité visuelle commune.

Je veux souligner ce soir le dynamisme évident dont ont fait et font preuve au quotidien de très nombreux acteurs relevant de toutes les catégories de personnel de l’université : le chemin parcouru est impressionnant et témoigne d’une détermination sans faille. Il est indéniable que le processus de fusion nous a amenés à initier et à mettre à l’agenda des projets dont nos étudiants seront les premiers bénéficiaires, notamment dans le secteur de l’orientation et de l’aide à la réussite.

Pour le surplus, nous l’avons dit et répété. Le schéma directeur le confirme : nous ne demandons ni habilitation nouvelle, ni moyens financiers complémentaires. Nous entendons que la fusion n’ait aucun impact sur les habilitations détenues par nos universités, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas d’effet sur l’autorisation dont nous disposons d’organiser des formations dans telle ou telle discipline, au surplus dans un arrondissement déterminé. Les programmes que nous sommes autorisés à organiser au jour de la fusion, nous souhaitons bien entendu pouvoir continuer à les organiser là où nous les organisons, ni plus, ni moins. L’offre de formation restera donc … rigoureusement inchangée au jour de la fusion, en ce compris au niveau du pôle académique de Bruxelles.

Prétendre donc que la fusion augmenterait la concurrence relève de la pure fantaisie. La concurrence entre les universités est d’abord et avant tout la conséquence du mécanisme de l’enveloppe fermée qui leur est imposée en termes de financement depuis 1998.

A aucun moment, notre projet de fusion n’a par ailleurs voulu mettre à mal les collaborations existantes avec d’autres partenaires de l’enseignement supérieur, en Belgique ou à l’étranger. Le repli sur soi n’est pas davantage source de développement pour une université que pour les individus : nous avons tous tout à gagner de collaborations dans le cadre des trois missions de l’université.

Enfin, je veux souligner que le rapport rédigé par les experts indépendants chargés par le Conseil d’administration de l’ARES de procéder à une analyse prospective et d’émettre des propositions en lien avec la thématique de l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’horizon 2030 préconise de « favoriser la mise en cohérence des structures opérationnelles via, prioritairement, la réduction des implantations et la fusion d’établissements ». Il est d’ailleurs piquant de relever que le rapport se prononce en faveur de la poursuite du mouvement de consolidation, tout en précisant :
- qu’il doit être mené par les institutions elles-mêmes
- avec l’appui du Gouvernement
- sous la forme d’incitants financiers.

Notre demande est bien plus modeste : elle n’intègre même pas la dernière précision dans la mesure où l’UCLouvain et l’Université Saint-Louis - Bruxelles ne demandent aucun financement complémentaire.

Vous aurez compris que la communauté universitaire a très clairement manifesté ses attentes et qu’il ne serait pas admissible que celles-ci soient anéanties pour un quelconque motif d’ordre politique. Je veux réaffirmer ce soir la ferme détermination de notre université à ne pas voir réduits à néant tant la volonté de la communauté que les projets qu’elles portent dans la perspective de la fusion.

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Pour conclure, il me reste à vous remercier pour votre présence, à remercier celles et ceux qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à la réussite de cette  séance et, last but not least, à déclarer ouverte l'année académique 2018-2019, qui constitue la 161ème année académique de l’Université.