Université Saint-Louis - Bruxelles
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DROI1122 - Philosophie



Crédits : 8

Professeurs :
Assistant :
Mode d'enseignement :
Présentiel, premier et deuxième quadrimestre, 90 heures de théorie.

Horaire :
Premier quadrimestre
le mardi de 11:00 à 12:00 au 43 Botanique 1
le jeudi de 09:00 à 11:00 au 43 Botanique 1

Second quadrimestre
le mercredi de 15:00 à 16:00 au 43 Botanique 1
le jeudi de 09:00 à 11:00 au 43 Botanique 1

Langues d'enseignement :
Français.

Objectifs d'apprentissage :
Ce cours vise à faire acquérir de solides connaissances dans le domaine de la philosophie générale, et plus spécifiquement de l'anthropologie philosophique et de la philosophie politique, qui sont deux « domaines » de la philosophie plus particulièrement susceptibles d'intéresser les juristes. La philosophie renvoie d'abord à un large corpus de textes transmis par l'histoire de la philosophie. Le cours vise à introduire à la compréhension en profondeur des dynamiques de pensée, des problèmes et des conceptualités sous-jacentes à certains textes fondateurs de l'histoire de la philosophie, de la République de Platon à Etre et Temps de Heidegger, en passant par les Méditations Métaphysiques de Descartes, et non à fournir une catalogue de noms et de concepts-clés. Il s'agira de familiariser les étudiant(e)s à la fois avec l'apparente « étrangeté » du questionnement philosophique, due à son haut degré d'abstraction et aux modes de raisonnement qu'elle mobilise, mais aussi à leur faire prendre conscience du fait que la pensée des philosophes relaie des questionnements propres à tout homme (sur le rapport à la mort, à autrui, au temps, l'existence de Dieu, etc.), et qu'elle a contribué à façonner en profondeur nos manières de penser.
Il s'agira aussi de faire comprendre aux étudiant(e)s qu'une pensée philosophique, si originale et novatrice soit-elle, est toujours tributaire d'un contexte socio-historique précis, d'événements et/ou de problèmes en fonction desquels elle a dû se situer, voire, même, par rapport auxquels elle s'est élaborée (par ex., la crise et la chute de la démocratie athénienne pour les philosophies politiques de Platon et d'Aristote).
Enfin, nous chercherons à mettre en évidence comment ces problèmes (dénommés dans le cours « apories ») qui se sont posés aux penseurs du passé et les concepts qu'ils ont développé pour les affronter, peuvent encore nous aider à construire nos propres réponses aux « problèmes » qui se posent à nous aujourd'hui. Par exemple, nous questionnerons la distinction humain/animal telle qu'elle est aujourd'hui mise en question par les recherches des primatologues, en la réfléchissant à la lumière du continuum posé par Aristote (l'homme est un animal parmi d'autres, qui dispose de compétences spécifiques, comme l'usage du langage, de la raison et de la politique) et de l'opposition tranchée élaborée par Descartes (pour lequel l'animal se réduit à un corps machine). Nous verrons aussi par ex. comment les éloges et les craintes formulées vis-à-vis de la démocratie par certains philosophes peuvent nous aider à penser la crise de la démocratie contemporaine : le danger de guerre civile généré par une trop grande disparité des richesses au sein de la cité grecque, et les solutions diverses proposées (la mise en commun de tous les biens par Platon, la valorisation de la classe moyenne par Aristote, l'importance de l'éducation à la vertu pour les deux) ; la difficulté de concilier les aspirations démocratiques à l'égalité et à la liberté compte tenu de la « tyrannie de la majorité » selon Tocqueville, etc.

Ce cours vise aussi à former à la démarche scientifique, en développant des compétences critiques et conceptuelles, telles que :
- dégager et comprendre la construction d'un problème philosophique, et la manière dont une certaine démarche de pensée entreprend d'y répondre
- comprendre un texte philosophique et en reconstruire l'argumentation par écrit
- identifier, restituer et être capable de comparer la cohérence propre aux différentes réponses philosophiques possibles à un problème donné
- déterminer l'importance du contexte socio-historique et culturel pour le développement d'une pensée
- maîtriser le vocabulaire philosophique
- être capable de se situer dans une historicité de la pensée
- mettre en évidence les visions du monde et les valeurs sous-jacentes à un raisonnement, ainsi que les présupposés d'une thèse ou d'une opinion (telle conception de la vérité, de la liberté, de l'égalité, etc.)
- dégager les conséquences possibles d'une thèse ou d'une opinion (mener le raisonnement jusque dans ses ultimes conséquences, qui demeurent parfois cachées à une compréhension trop rapide)
- différencier les types de jugement (philosophique, scientifique, juridique, moral, esthétique) et dégager leurs logiques propres
- mobiliser les ressources conceptuelles de l'histoire de la philosophie pour construire un jugement personnel sur une question donnée

De façon générale, il s'agira de développer le sens critique et la capacité de réflexion des étudiant(e)s en les introduisant aux diverses formes de discursivité philosophique et notamment à l'argumentation. Mais aussi d'éveiller leur curiosité pour la multiplicité et la complexité des formes de pensée et des questionnements qui jalonnent l'histoire de la philosophie.

Ce cours n'est pas un cours de philosophie du droit, mais un cours de philosophie générale, qui vise à introduire les étudiant(e)s à la spécificité du questionnement philosophique, et à leur fournir les bases qui leur permettront de suivre ultérieurement dans leur cursus des cours plus spécialisés de philosophie du droit. Néanmoins, des interactions avec le domaine du droit se feront sur le double registre méthodique et thématique.
Du point de vue de la méthode, l'accent mis dans le cours sur l'importance de la lecture précise, du commentaire et de l'interprétation des textes philosophiques, compte tenu de leur « technicité » propre, nous semble constituer un exercice important dans la formation de futur(e)s juristes, qui devront être à même de saisir toutes les nuances et la complexité des textes de loi. Il nous semble que la philosophie est une discipline particulièrement à même d'aider à la formation de juristes qui ne se contentent pas « d'appliquer » mécaniquement les règles de droit, mais qui soient capables de les interpréter à bon escient, et, si besoin est, de les mettre en question.
D'un point de vue thématique, les différentes branches du droit nous semblent inséparables d'une réflexion sur l'humain en général, et d'une sensibilisation à la diversité des manières de penser, de raisonner et d'agir. Enfin, il est évident que le droit est inséparable de la politique, et que les questionnements philosophiques relatifs à l'institution de la société, à l'interaction entre les différentes formes de communautés qui la composent ou encore à la démocratie, constituent un back-ground théorique qui pourra nourrir la réflexion personnelle des jeunes juristes durant leurs études puis plus tard, sur le terrain.
Des synergies seront plus clairement apparentes avec les cours de droit constitutionnel (théorisations philosophiques de l'Etat, du contrat social), et de droit romain (l'accent mis sur la philosophie grecque et la manière dont elle peut nous aider à comprendre et à interroger le monde contemporain, peut faire écho à la manière dont A. Ruelle a conçu son introduction aux principes du droit romain).

Prérequis :
Aucun

Corequis :
Aucun

Contenu de l'activité :
Le cours est divisé en deux grandes parties, qui visent à fournir de solides bases d'anthropologie philosophique (1er quadrimestre) et de philosophie politique (second quadrimestre). « Qu'est-ce que l'humain ? » et « qu'est-ce que la politique ? » sont ainsi les deux questions qui nous serviront de fil rouge et qui nous permettront aussi d'aborder obliquement d'autres domaines de la philosophie (éthique, métaphysique, épistémologie, esthétique, notamment). En guise d'introduction, chacune de ces questions se verra d'abord problématisée. Problématiser, c'est construire méthodiquement un problème. L'on commencera donc par constater qu'il faut fournir un effort de réflexion pour élaborer une question, ainsi que pour développer de manière cohérente les sous-questions implicites contenues dans un énoncé en apparence simple (« qu'est-ce que … ? »), au contraire des questions « toutes faites », qui ne peuvent mener qu'à du « prêt-à-penser ». Par exemple, nous verrons qu'en choisissant la forme de l'énigme pour « dire » ce qu'est l'humain, les Grecs ont attiré l'attention sur le fait que ce qui devrait être pour chacun(e) d'entre nous le plus « évident » est, en fait, peut-être le plus obscur. Nous verrons aussi que se demander ce qu'est la politique consiste nécessairement à examiner le statut du « changement de genre » qui l'affecte dans le champ philosophique (le politique), et à interroger ce qu'est la démocratie, depuis son exercice « direct » dans le contexte de la cité grecque, jusqu'à sa forme « représentative » dans l'Etat-Nation moderne.
Dans un second temps, chacun des deux grands axes thématiques du cours comportera une partie baptisée « enquête ». Ce terme est emprunté à la méthode d'Aristote, dont on s'inspirera ici. En effet, pour Aristote, la théorie doit toujours prendre appui sur un vaste matériau « d'enquêtes » (historiai) empiriques, a fortiori lorsqu'il s'agit du domaine des « affaires humaines ». Qu'il s'agisse du recensement des constitutions politiques (Politiques) ou des opinions ayant cours au sujet du bonheur (Ethique à Nicomaque), ces « enquêtes » visent à sélectionner des opinions « bien considérées » : des opinions qui devront être discutées, parce qu'elles émanent de penseurs jouissant d'un certain renom. Ici, il s'agira d'examiner de manière approfondie notre question centrale chez quatre auteurs de référence. Le premier sera toujours un auteur grec, mais non philosophe : Homère pour « qu'est-ce que l'homme ? » et Thucydide pour « qu'est-ce que la/le politique ? ». Si la parole du poète et celle de l'historien seront ici prises en considération, c'est d'abord parce qu'elles contiennent un potentiel de pensée, de questionnement et de connaissance d'une valeur égale à celui des textes philosophiques. Mais aussi, parce que les philosophies de Platon et d'Aristote, — qui nous serviront de « socle » dans les deux parties du cours —, se sont élaborées dans un dialogue critique incessant avec ces autres traditions de pensée. En effet, si Platon n'est pas stricto sensu le premier « philosophe » (l'invention du terme est attribuée à Pythagore), c'est pourtant bien lui qui invente la « singularité philosophique », en instituant le champ de la philosophie, par différenciation des autres pratiques du logos (épopée, tragédie, comédie, histoire, médecine, rhétorique, etc.). C'est donc pour comprendre les positions de Platon et d'Aristote, elles-mêmes à l'origine de multiples courants de pensée ultérieurs, qu'il a ici semblé nécessaire de remonter « en amont ». Après Platon et Aristote, chaque « enquête » se clôturera par l'examen d'un « Moderne » ayant joué un rôle-clé dans l'élaboration de la question examinée : Descartes pour l'humain et Rousseau pour la politique.
En concentrant la partie « enquête » sur un nombre limité d'auteurs, il s'agira de contourner l'écueil du « quizz/zapping par mots-clés », pour privilégier le suivi approfondi de la cohérence d'une pensée. Dans cette visée, les angles d'approche seront néanmoins démultipliés : depuis la présentation d'ensemble des différents axes de la pensée d'un philosophe (Descartes au premier quadrimestre) jusqu'à la lecture ciblée d'une seule œuvre-clé (la République de Platon au second quadrimestre). Cette partie « enquête » est aussi égayée de brefs « intermèdes ». Ces petites récréations de pensée réactivent à leur manière l'esprit de l'une des définitions de la philosophie proposées par Platon : celle d'être un « jeu sérieux ». Tantôt comiques (Ulysse, le fantôme et Skype ; la chatte de Montaigne, la pie de Descartes et l'Orang-Outang de Rousseau ; etc.), tantôt générant un « téléscopage temporel » (Million Dollar Baby d'Eastwood vu comme un film épique ; les Communautés virtuelles et les amis Facebook examinés à la lumière des analyses d'Aristote, etc.), ces intermèdes annoncent la plongée dans le monde contemporain qui caractérisera la troisième partie.
En effet, si le rôle de l'éducateur est « de faire le lien entre l'ancien et le nouveau », c'est, comme le souligne Hannah Arendt, parce que « éduquer vise à préparer les jeunes à la tâche de renouveler un monde commun » (Arendt, 1972, p. 252). Dès lors, la troisième partie soumettra des « apories » à la réflexion personnelle des étudiant(e)s. En grec ancien, le terme aporia désigne littéralement l'absence d'une voie de passage (d'une rivière, par exemple). Il prend aussi le sens plus abstrait de « difficulté », « problème », notamment chez Aristote, dont nous continuerons ici à nous inspirer. En effet, la discussion critique des opinions « bien considérées » constitue seulement le premier moment de la méthode, qu'Aristote nomme « l'examen dialectique ». Ce dernier vise à dégager des « apories », que l'argumentation philosophique proprement dite aura pour tâche de « traverser » (diaporia), afin de parvenir à les « résoudre » en leur trouvant une « solution » (euporia). Concrètement, il s'agira ici de reprendre chacune de nos deux questions de base en les abordant à partir d' « apories » qui auront émergé transversalement à l'étude des quatre auteurs de référence. Ainsi, chacun(e) devra-t-il/elle in fine se réapproprier la question générique « qu'est-ce que l'homme ? » comme étant celle de notre humanité commune, à tous.
L'aporie pourra alors être reformulée au moyen de la question suivante : notre humanité doit-elle s'envisager comme une « nature» d'emblée donnée, comme le produit dérivé d'une culture, ou comme « autocréation » radicale ? Une seconde aporie lui est sous-jacente, qui interroge l'identité, forcément « mienne », de chaque être humain : « qui ou que suis-je ? Un soi, une âme, un sujet ? ». Nous examinerons ces trois notions que les philosophes ont forgées pour tenter de répondre à cette question de l'« identité », en étant particulièrement attentifs aux liens qu'elles entretiennent.
La seconde question, « qu'est-ce que la/le politique ? », sera quant à elle confrontée à une genèse de la transformation moderne des rapports d'articulation et de différenciation entre les domaines de normativité propres à la morale, à la politique et au droit. Nous parcourrons cette genèse à travers une série d'auteurs majeurs de la tradition philosophique moderne, comme Machiavel, Spinoza, Hume, Smith ou Kant. À chaque fois, nous prendrons aussi le temps de lire ces auteurs dans le texte et de repérer la logique, la force et les limites de leur pensée pratique. On sera donc attentif à la forme des raisonnements et des arguments développés, à la manière dont des problèmes font surgir des théories et comment ces théories font surgir de nouveaux problèmes.


Activités d'apprentissages prévues et méthodes d'enseignement :
Le cours à proprement parler sera ex cathedra et donné en grand amphithéâtre. Des moments de discussion avec l'auditoire seront prévus après chaque grande partie du cours.
Pour des discussions plus personnalisées, une permanence d'une heure/semaine sera assurée par la professeure responsable dès la rentrée académique, le jeudi de 11h à 12h, après le cours. Par ailleurs, une aide est proposée dans les séances hebdomadaires de monitorat (voyez monitorat de philosophie)



Méthodes d'évaluation :
L'évaluation s'appuiera sur un examen écrit. Les questions porteront sur la compréhension des grandes articulations du cours et des textes philosophiques qui en constituent le fondement. Un cours de philosophie étant destiné à apprendre à l'étudiant(e) à développer une réflexion critique et à construire une argumentation, l'examen consistera en deux questions ouvertes. La première exigera de l'étudiant(e) les capacités de synthétiser l'explication d'un concept clé ou d'un raisonnement chez deux auteurs, de construire une comparaison différentielle en mettant en évidence des axes de comparaison, et enfin de développer une réflexion plus personnelle. La seconde question consistera en un commentaire et une interprétation d'extrait de texte philosophique, qu'il s'agira ensuite de resituer dans le cadre plus général de la pensée de son auteur.

Bibliographie :
Une bibliographie complète des œuvres étudiées au cours est renseignée aux pp. 335-358 du livre de référence du cours. Elle est mise à la disposition des étudiants sur le réseau i-fusl, ainsi que la table des matières du livre, qui sert de plan de cours.

Autres informations :
Le support écrit du cours est le livre suivant :
Sophie KLIMIS, L'énigme de l'humain et l'invention de la politique. Les racines grecques de la philosophie moderne et contemporaine, De Boeck, Bruxelles, 2014. Chaque version papier est pourvue d'un code individuel, qui permet à l'étudiant(e) d'accéder à une version électronique du livre, comprenant des « bonus » (biographies des auteurs étudiés et lexique des termes de grec ancien).