Université Saint-Louis - Bruxelles
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Jean van der Hoeden | Parcours d'Anciens |

 

Vous avez étudié la philosophie à Saint-Louis. Pourquoi avoir choisi la philosophie et pourquoi l’étudier, dans un premier temps à Saint-Louis ?

 

La philosophie a toujours été pour moi la meilleure façon de faire écho à la question posée par Samuel Beckett dans En attendant Godot : "Pourquoi s’en prendre à sa chaussure alors que c’est le pied le coupable ?"; "errare humanum est" pourrait en effet très bien se traduire par : "Marcher, c’est ça qui fait l’homme". Pour ce qui est du fait d’être venu un jour étudier la philosophie plus précisément à Saint-Louis, c’est une rencontre avec le Chanoine Jean Van Camp, frère de Mgr Henri Van Camp, qui en reste probablement la principale clé.

 

Où avez-vous poursuivi vos études ? Toujours en philosophie ?

En quelle année avez-vous obtenu votre diplôme ?

 

J’ai poursuivi mes études à Louvain-Leuven. Si ce fut toujours en philosophie, où je me suis intéressé de près à la phénoménologie de Merleau-Ponty, ce fut aussi en approfondissant des matières comme le latin et le grec, ce qui m’a été fort utile lorsque, par la suite, je suis entré dans l’enseignement. J’ai obtenu mon diplôme en 1965.

 

Des études complémentaires ? Si oui, que vous ont-elles apporté ?

 

Mes "études complémentaires" - et elles m’occuperaient alors encore aujourd’hui - sont plutôt à voir comme le patient travail que, dans le prolongement de mes études et très longtemps tout en enseignant directement, j’ai poursuivi à travers la rédaction de certains articles, puis d’ouvrages, tous à caractère philosophique, littéraire ou religieux.

 

Quels étaient vos rêves ou aspirations en commençant les études que vous avez choisies ? 

 

Oserais-je le dire ? En commençant mes études à Saint-Louis, je n’avais plus ni rêve ni aspiration : après avoir passé deux ans dans son cadre intellectuel presque entièrement clos sur lui-même, je venais de quitter le Séminaire, rien n’y étant prévu, au contraire, pour accompagner ceux que, d’une certaine manière, on pointait du doigt comme des "traîtres" lorsqu’ils le quittaient. C’est la rencontre amicale que j’ai faite alors avec le merveilleux Jean Van Camp, tout en écoute emplie de sollicitude, qui a empêché ma lanterne de s’éteindre complètement et m’a redonné confiance. J’ai repris mon chemin avec la conviction beckettienne que "la chouette a besoin d’ombre pour voir clair", et donc que tant que la théologie ne cesserait pas de vouloir avoir le premier et le dernier mot sur tout, il n’y aurait pas de place dans son monde pour une vraie interrogation. Au Séminaire, la philosophie était bien plus la "bonne du curé" que "la servante de la théologie" ; à Saint-Louis, j’ai senti d’emblée que c’était tout à fait différent. L’avenir s’ouvrait à nouveau pour moi.

 

Qu’avez-vous retenu de vos études ?

 

De mes études à Saint-Louis, j’ai principalement retenu le sens du travail mené jusqu’au bout et la nécessité de resituer sans cesse chaque savoir particulier sur l’horizon de la "vastitude du savoir" - une formule que le très élégant Mgr Henri Van Camp, avec qui j’ai travaillé durant quelques années, aurait certainement été très fier d’avoir pu inventer. Un regret cependant : peut-être bien en raison de la manière dont elle était enseignée au Boulevard du Jardin botanique au moment où j’ai commencé à l’y fréquenter à cet endroit, la philosophie terrorisait beaucoup d’étudiants comme une sorte de domaine strictement réservé à des "initiés" même son simple vocabulaire pouvant constituer un "barrage" infranchissable. Une inutile application du très ambigu "mysterium tremendum" ? Heureusement, j’étais un "mordu", mais beaucoup de mes condisciples ont réellement souffert ici, et trop souvent pour rien.

 

Et sur le plan extra-académique ?

 

Comme étudiant, l’"ancien séminariste" était malheureusement trop studieux et réservé pour prendre part à tout ce que le C.A.U. organisait déjà d’intéressant ; quant à au moins oser esquisser un pas de danse lors de l’une ou l’autre "soirée dansante" dont le même C.A.U. avait parfois l’initiative et où le "twist" était alors incontestablement la vedette, pas grand-chose ne lui avait appris à s’y risquer. Lorsque Mai 68 est venu faire sentir son parfum de révolte aux FUSL, il en allait déjà autrement : l’"ancien séminariste" évoqué a participé à quelques très vivantes réunions-débats et à une grande "manif" à l’occasion de laquelle Mgr Henri Van Camp et Paul Ricoeur se sont même retrouvés assis côte à côte, dans l’herbe, à l’esplanade du Cinquantenaire. Il y eut à cette époque une odeur de "souffre nietzschéen" dans l’air des FUSL, mais pas assez selon moi pour que Mai 68 y soit envisagé comme bien plus qu’un "phénomène intéressant à étudier" : eût-ce été avec un livre d’Althusser sous le bras, quelque chose comme "Sartre à la Sorbonne" ne pouvait pas s’improviser, même à Saint-Louis.

 

Si vous deviez recommander Saint-Louis à de futurs étudiants, sur quoi mettriez-vous l’accent ?

 

Sans hésiter : l’importance du travail régulier, une participation active aux cours, une manière déterminée de se prendre en charge, la volonté de faire plus qu’essayer d’obtenir vaille que vaille une "moyenne honorable". Avec leur "Tout le monde a le droit de réussir", les autorités de l’Enseignement en Communauté française m’ont toujours paru oublier que "réussir" et… "travailler" n’ont rien d’incompatible.

 

Si vous deviez décrire Saint-Louis en un slogan ?

 

"Université Saint-Louis : pour une formation riche, ouverte et de premier plan !"

 

Parlez-nous de votre parcours professionnel.

 

Professeur à l’Institut Saint-Louis de Bruxelles de 1965 à 2000, j’y ai enseigné entre autres le latin, le français et la "religion" (option : philosophie) en classe de Poésie et de Rhétorique, sans jamais perdre de vue la question du passage dans le "supérieur" et donc de ses exigences.

 

Également moniteur puis assistant du cours de philosophie à Saint-Louis de 1965 à 1972, j’ai terminé ma carrière d’enseignant comme professeur de philo à la Haute École "Groupe ICHEC - ISC Saint-Louis - ISFSC" (2001-2006).

 

Mon grand soutien dans tout cela a été mon goût secret de l’écriture ; il est à l’origine de mes ouvrages Samuel Beckett et la question de Dieu (1997), Jean Racine ou le droit de vivre (2002), Le temps sans Clémence (2005), Diable et diabolisation. Du Moyen Âge à nos jours (2011, en collaboration avec Christian Thys), Que son sang soit sur nous et nos enfants (2013, en collaboration avec Christian Thys) et Jean Racine, l’enfant terrible de Port-Royal (2014). Un long chemin, où l’étudiant que je suis resté dans l’âme veut toujours croire à ce que Beckett appellerait "son vieux regard d’avenir" ; sur ce chemin, et pour ne citer qu’elles, des personnalités comme Jean-Louis Mignot, Michel van de Kerchove et André Tihon sont restées des repères de très grande valeur.

MAB

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